Lors de la cérémonie de clôture, samedi 4 décembre 2021 à 17h, les quatre Jurys du FIFE ont remis l’ensemble de leur prix. Ils ont tous eu à cœur de justifier leurs choix dans des discours sincères et bien écrits, que vous pouvez retrouver ci-dessous.

Grand Jury Courts et Moyens Métrages

Le Jury des Courts et Moyens Métrages a visionné 36 films très divers tant par leur durée, leur format que leurs thématiques. Tous révèlent des questionnements de notre temps sur une tonalité le plus souvent grave. Reviennent ainsi souvent des sujets sur les identités et le genre, la solitude et les violences intra-familiales, les questions environnementales et les injustices sociales. Ils nous donnent à voir des facettes de notre monde et nous questionnent sur celui que nous souhaitons.

Le jury a eu à faire des choix difficiles de par la qualité de la majorité de ces documentaires, fictions ou animations. Il a été guidé par les critères suivants :

  • que le film s’inscrive dans des problématiques actuelles ;
  • que son message soulève des questions et incite à la réflexion ;
  • que l’écriture filmique se distingue par son originalité ainsi que par la maîtrise et la variété de sa technique

Le prix du jury est attribué au documentaire belge Shift de Pauline Beugnies. Ce film interroge sur l’uberisation du monde du travail, qui génère l’exploitation de travailleurs, sur une illusion de liberté. On entre dans le vif du sujet par une époustouflante cascade d’images filmées en Gopro, dans les rues de Bruxelles. Un montage nerveux fait ressentir la vitesse et le danger permanent auxquels sont soumis les livreurs. On est ensuite transportés au cœur des problèmes rencontrés par ces travailleurs (statut social, assurance et sécurité de l’emploi…), notamment par le protagoniste du film qui suit une réelle évolution, allant jusqu’à faire une grève qui le mènera au tribunal.
Un éclairage salutaire sur l’éternelle lutte capital et travail, profits et droits humains.

Le jury a aussi souhaité attribuer un second prix au documentaire français Confinés dehors de Julien Goudichaud. La parole est donnée aux plus démunis, sans-abri et travailleuse du sexe qui errent dans les rues de Paris pendant le 1er confinement. Ils et elles sont ainsi mis en lumière par un regard poétique et humaniste. Véritable coup de cœur, ce film nous questionne sur les non-sens de notre société, fait monter l’envie de bousculer le monde actuel. Comment faire pour ne pas en rester là ?

Le jury attribue aussi une mention spéciale à 407 Jours d’Éléonore Coyette. Ce court documentaire se démarque par sa singularité, son originalité, sa créativité et son efficacité pour traiter l’injustice de l’incarcération d’un homme qui clame son innocence. L’œuvre dénonce ainsi les dysfonctionnements de la justice haïtienne. L’utilisation de marionnettes est pertinente et poétique. Un film engagé et audacieux.

Jury Jeunes et Étudiants

Cette année, le FIFE 2021 nous a proposé une sélection pointue de par la diversité des sujets abordés, et accessible de par l’universalité des messages transmis. Une sélection riche de ces formats et de ces genres multiples. Des moyen-métrages documentaires (Quand on a que l’enfance ; Like a Virgin), aux courts d’animation (Folie Douce, Folie Dure ; Le monde en soi), en passant par des témoignages poétiques (Silencieux Rivages ; Seahorse), et des découvertes internationales (Son of Fukushima ; We have one heart). Cette variété de genre aura nourri le débat au moment de départager le film gagnant.

En vie ! Patients-Elèves de Réjane Varrod nous a touché car il donne à voir une série de portraits sensibles d’adolesent.e.s courageux.ses dans leur combat contre leurs souffrances mentales et leur volonté de retrouver une scolarité classique. Au-delà d’une série de témoignages, ce film a une portée pédagogique en présentant aussi le cadre sécurisant et rassurant dans lequel ces lycéen.e.s évoluent. Le traitement de la santé mentale chez les jeunes est une problématique encore peu connue, et ce documentaire permet de nous sensibiliser à cette question. Il aborde aussi des sujets de société plus larges à travers les parcours de vie de ces jeunes. Le film diffuse un message de bienveillance, porté par ces d’adolesent.e.s courageux.ses et capté par la mise en scène intimiste de Réjane Varrod. La réalisatrice signe un film touchant, mais plein d’espoir.

What is a woman ? de Marin Håskjold est une fiction aux accents réalistes, nous plongeant dans un vestiaires au cœur d’un débat à propos du genre et ce qui fait une femme. Sans jugement, la réalisatrice oppose des visions et des opinions personnelles différentes. Ce film propose une photographie des questions actuelles qui traversent notre société : notre rapport au genre, au féminisme, à la place de la femme et de ce qui la définit… Un film poussant le spectateur à s’interroger ses propres préjugés.

Grand Jury Longs métrages documentaires

Bonsoir à toutes et tous! Nous tenons tout d’abord à remercier l’équipe du festival, l’ensemble des partenaires, le cinéma et toute l’équipe technique, et remercier tout particulièrement l’ensemble des bénévoles et des militants qui permettent au festival d’exister. Merci.

Nous souhaiterions saluer la très grande qualité de la sélection, et remercier toutes celles et ceux, très nombreux, qui ont œuvré des centaines d’heures durant à l’élaborer.

Nous remercions l’ensemble des réalisatrices et réalisateurs qui ont nourri le rêve de fabriquer et partager leurs films. Nous saluons bien haut le désir du Festival d’offrir plus de place aux films dits documentaires, qui ne sont ni plus ni moins que du cinéma!

Nous sommes très honorés, Sylvie, Patrice, Faustine, Sabyl, Théophile et moi-même d’avoir pu découvrir les 10 films de cette sélection, en salle et dans des conditions idéales.

La parentalité, la mémoire et l’héritage culturel, le climat, nos places de femmes et d’hommes, le handicap et la différence, l’accès à l’éducation, nous avons vu à travers cette sélection un monde qui se défait dans les méandres du pouvoir des hommes, des mondes qui se reconstruisent aussi, et où émergent des femmes inspirantes.

C’est dans cette démarche que nous avons fait le choix de mettre en lumière le parcours d’une femme, qui nous invite toutes et tous à surmonter les épreuves de la vie, à ne pas abdiquer quelque soit l’adversité, à continuer à faire son chemin même quand celui-ci semble se défaire, à assumer ses responsabilités et à avancer avec ses rêves. C’est avec une grande émotion et une sincère admiration que nous avons décidé de récompenser Life of Ivanna, de Renato Borrayo Serrano.

Life of Ivanna est le récit brut et sincère d’une jeune femme, qui est mère de 5 enfants, qu’elle élève seule dans une cabane de 6 mètres carrés au milieu de la Toundra Arctique. Elle est à la fois une femme atypique mais à laquelle on peut toutes et tous s’identifier, à travers l’universalité des épreuves qu’elle traverse. Ivanna renverse les codes et casse de nombreux clichés, dans un milieu polaire brûlant d’humanité. Comme disait Sartre « On peut toujours faire quelque chose de ce que les autres on fait de nous. »

Grand Jury Longs métrages Fictions

Le Jury tient à saluer une programmation au carrefour du monde, dans une sélection qui amène les spectateurs et spectatrices dans un pensionnat à l’est de l’Anatolie en Turquie (Brother’s Keeper), dans les quartiers pauvres de Djibouti (La Femme du fossoyeur), ou au milieu des tuk-tuk de Phnom Penh (Les Affluents). Cette découverte de lieux et de réalités différentes apporte un souffle multiculturel qui nous plonge dans des parcours de vies rudes et des contextes difficiles : d’une jeune fille indonésienne qui défend sa liberté contre des schémas qui lui sont imposés (Yuni) au combat d’une jeune palestinienne prise dans l’étau du droit du sol et du sang (Amira). Cette sélection donne aussi à voir l’ambivalence du lien familial et la nécessité de s’en affranchir pour prendre son destin en main : dépasser les carcans idéologiques du nord de l’Angleterre (Ali & Ava), fuir une famille mafieuse rongée par la violence et les non dits (A Chiara), ou redonner sens à sa vie dans la campagne colombienne loin du chaos des quartiers de Medellín (La ciudad de las fieras).

Le choix du jury s’est porté sur le film de Samuel Theis, Petite nature. Outre ses qualités cinématographiques et scénaristiques, le film séduit par la réflexion qu’il porte sur les limites de l’accompagnement pédagogique d’un jeune tiraillé entre le rôle qu’il est contraint d’endosser au sein de la cellule familiale et le souhait qu’il a de s’en extraire. La culture apparaît comme un véritable vecteur d’ouverture sur le monde et l’enseignant, tout en étant confronté à ses propres incertitudes, est ici présenté comme un guide, qui catalyse dans l’esprit de l’enfant une volonté d’émancipation sociale.

Le jury a aussi souhaité saluer le film Le Diable n’existe pas de Mohammad Rasoulof par un prix spécial. Construit sur un dispositif narratif élaboré, le film offre une réflexion implacable sur le sujet de la peine de mort et s’inscrit dans un courant du cinéma contestataire. Véritable ôde à l’insoumission, le film mêle questionnements éthiques et portrait d’une société iranienne partagée entre lutte et résignation.

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