Je voudrais vous dire à quel point ce festival a été important pour moi, et en réfléchissant à ce que j’allais vous dire ce soir, je me dis qu’il est important à toute une série de titres :

Le cinéma, un objet d’art qui a été créé pour un partage avec les spectateurs

Il est important pour moi en tant qu’amateur de cinéma et je dois dire… que j’ai été sensibilisé dès le début par Jean Paul Cayeux, qu’un film d’éducation, c’est d’abord un bon film, c’est d’abord un objet cinématographique en tant que tel, ce n’est pas une conférence filmée, ce n’est pas un ensemble de bons sujets, aussi bons soient-ils, c’est un objet d’art qui a été créé pour un partage avec les spectateurs, et moi qui ai toujours la nostalgie du ciné-club de mon enfance et de ma jeunesse, je me dis que nous rassembler autour de bons films, c’est absolument fondamental.

Le festival international du film d’éducation associe l’accessible et l’exigeant

Le deuxième aspect… Je suis là au titre de militant de l’Éducation populaire, parce que l’Éducation populaire, c’est une expression un peu ringarde aujourd’hui, c’est pourtant pour moi quelque chose qui a été fondamentale dans mon histoire ; au festival d’Avignon, j’y ai découvert les Ceméa et l’Éducation populaire. L’Éducation populaire, c’est un mouvement de fond qui porte une forme de réconciliation essentielle entre l’accessible et l’exigeant. Tout ce qui est accessible n’est pas exigeant et tout ce qui exigeant n’est pas accessible. On peut être dans le populaire, le populisme plus exactement… Le festival international du film d’éducation associe l’accessible et l’exigeant, autant dire qu’il est réellement inscrit au cœur de l’Éducation populaire.

Un festival qui contribue à faire du spectateur, un acteur.

Alors bien sûr, moi je suis militant des Ceméa et je suis heureux d’être ici en tant que militant des Ceméa, présent depuis plusieurs années à ce festival, et attentif à tout ce qui contribue à faire du spectateur, un acteur. On l’a vu tout à l’heure à travers tous ces jeunes impliqués dans des projets, mais pas simplement, on aurait pu le voir à travers des images des débats qui ont lieu dans ces salles. Ici les spectateurs sont des acteurs d’une aventure collective, ils ne sont pas simplement des consommateurs.

Fonder notre avenir sur autre chose que la consommation, sur le partage de ce qui ne s’épuisera jamais

Un autre titre encore qui fait que je suis heureux d’être ici, c’est que je suis quelqu’un de très sensible aux questions écologiques et de l’environnement… Depuis quelques années, le festival et c’est super, a décidé de s’ouvrir à ces questions qui portent évidemment, avec les questions d’éducation, l’avenir. Cette année vous avez la chance de recevoir Pascal Picq, particulièrement compétent sur ces questions… Pourquoi l’écologie et la culture sont fondamentalement liées ? Parce que c’est autour d’elles que se construit l’avenir. Le tout est de savoir si nos enfants, nos petits enfants se battront dans quelques années ou quelques siècles pour les derniers restes des barils de pétrole, c’est-à-dire pour finir de consommer tout ce qui est obsolète et épuisable, ou bien si nous aurons réussi à partager ce qui reste d’épuisable pour pouvoir passer beaucoup de temps à partager l’inépuisable. L’on doit se battre pour expliquer que la culture, c’est quelque chose d’exceptionnel ; parce que lorsque l’on en prend on ne vole pas les autres, on n’en prive pas les autres. Ce n’est pas comme un gâteau, lorsque l’on en prend beaucoup, il n’en reste pas pour les autres. La culture lorsque l’on en prend, il en reste… et même on peut en donner aux autres. On est là au cœur peut être d’un changement de paradigme de civilisation, fonder notre avenir sur autre chose que la consommation mais sur le partage de ce qui ne s’épuisera jamais.

Tresser ensemble l’individuel et le commun, le singulier et le collectif

Je suis ici dans ce festival, également en tant que prof, j’ai fait du cinéma avec mes élèves. J’étais un disciple de Norman McLaren, je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, j’ai fait de l’écriture directe sur pellicule, de la pixellisation, du cinéma expérimental… et j’ai aussi passé beaucoup de films à mes élèves. J’ai toujours trouvé à quel point le cinéma était pour eux une occasion extraordinaire de rencontrer des histoires… et j’aime bien le slogan sur l’affiche du festival, des histoires de vie à partager… Ce slogan il est à la fois la singularité, chaque histoire de vie est singulière, aucune histoire n’est la même qu’une autre, chacun d’entre nous a une histoire tout à fait originale. Et, ces histoires singulières on les partage aussi, on tresse ensemble l’individuel et le commun, le singulier et le collectif… Et cela, c’est quand même une très belle promesse !

Valoriser cet écran, celui du cinéma

Enfin dernier élément, je suis très content d’être parmi vous en tant que modeste chercheur sur les questions de pédagogie et d’éducation. Très irrité aujourd’hui, car j’entends dire un peu partout beaucoup de mal des écrans. Quand on m’interroge, je dis « pas l’écran de cinéma ». Les gens me disent « on le met de côté ». Je ne comprends pas très bien pourquoi il est de côté comme cela. Je pense qu’il serait intéressant de réfléchir… un peu en profondeur. Si on regardait les travaux des chercheurs, on s’apercevrait que le cinéma avec son rituel, avec sa linéarité, avec sa gestion du temps, est au fond un excellent contre point à l’usage addictif des écrans qui sont instrumentalisés par les géants du numérique. Au fond, un contre point contre ceux qui volent notre attention pour nous vendre des produits et siphonner nos coordonnées et nos références pour nous envoyer des publicités. Face à cela, le cinéma nous donne un moment de partage où c’est nous qui allons vers l’objet, ce n’est pas l’objet qui vient nous capturer, nous capter notre attention pour nous vendre quelque chose derrière. Je trouve important aujourd’hui de valoriser cet écran là et de dire que cet écran-là doit être défendu contre ou à côté de toute une série d’usages discutables des écrans.

Voilà toute une série de titres pour lequel je suis ici… Le plus authentique c’est l’amitié, l’amitié pour Christian et Dominique, l’amitié pour toutes celles et tous ceux qui font ce festival… les bénévoles, jeunes ou plus anciens… Gardons l’amitié et la fraternité, comme valeurs, car par les temps qui courent, l’amitié c’est quand même un bien extrêmement précieux…

Philippe Meirieu

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